samedi 23 août 2008


Monkey Business



Après le succès d'animal crackers, les Marx brothers sont courtisés par Hollywood. Avec 'Monkey business', les frères finissent d'huiler la machine et nous livrent une comédie pétaradante au rythme endiablé. Une mécanique de l'absurde servie par des gags d'anthologie.

L'histoire.
Quatre passagers clandestins se cachent dans les caves d'un paquebot de croisière qui file tout droit vers New York. L'équipage ne l'entend pas ainsi et pourchasse les quatre marlous qui ne sont autres que... Groucho, Chico, Harpo et Zeppo ! Une course-poursuite des plus burlesques se jouent alors à bord. Très vite et pour garder leur couverture, les frères se mettent au service de deux gangsters rivaux Alky Briggs et Joe Helton et débarquent finalement à New York.
Joe Helton, ancien parrain de la mafia, organise alors une grande fête dans son château pour présenter sa fille à la bonne société new yorkaise. La belle après avoir séduit Zeppo, se fait kidnapper par le gang adverse. Mais c'est sans compter sur le courage des Marx brothers qui viennent la libérer dans l'étable où elle est retenue captive...

Analyse
A l'inverse de « the cocoanuts » et de « the animal crackers », le scénario de monnaie de singe n'est pas basé sur un vieux spectacle des Marx brothers. Et quand on regarde le film, on a une impression de légèreté et de fluidité du scénario. La course en avant des 4 clandestins reste le moteur et l'énergie maîtresse du film. Les gags et les numéros chantés viennent ponctuer l'action sans jamais la plomber. Et l'intention comique répond à une mécanique extrêmement efficace qui repose sur la personnalité et les talents de chaque frère.

Groucho, l'insolent qui ne reconnaît aucune autorité et dont la faconde vient à bout de tout. A force de syllogismes, de mûflerie et de bons mots il tord toutes les situations à son avantage : le gangster Alky Briggs le surprend au lit avec sa femme et va pour le tuer mais à la fin de la séquence, séduit par son culot il l'engage comme bodyguard. Et puis y a Harpo, le clown silencieux sans logique apparente que celle de créer du chaos et de générer des gags. Son univers oscille entre poésie grand guignol et perversité. Ainsi en aïeul lumineux de Benny Hill, il passe une partie du film à effrayer les jeunes femmes et à les pourchasser sur le paquebot. Véritable caution burlesque des Marx, il joue aussi de la Harpe avec brio (d'où son nom) ce qui dans le film est prétexte à faire des pauses musicales, comme dans cette scène où il accompagne une diva, complètement submergé par la tessiture hystérique de cette dernière. Chico fait office de traît d'union entre ses deux univers irréconciliables, l'un extrêmement bavard et spirituel, l'autre complètement lunaire et mimé. C'est le seul à sortir indemne d'une conversation avec Groucho, c'est le grand frère aussi, toujours dans les mauvais coups, il relance l'action et apprivoise les pianos. Zeppo, lui, avec sa gueule d'ange et ses idylles à deux sous prend les restes : figure du jeune premier, il est le seul à être un peu normal dans la fratrie. Tristement invisible.

Monkey business est un film qui va à 300 miles de l'heure. Mais c'est aussi un film qui se laisse le temps d'exploiter ses gags au maximum. Ainsi, des scènes devenues anthologiques se succèdent dans l'urgence et sans jamais obscurcir le canevas très aérien du film : L'épisode magique où les Marx, pour passer la douane tentent de se faire passer pour Maurice Chevalier, avec un Harpo muet qui fait jouer son gramophone à manivelle dans son dos. La séquence géniale où Harpo se bastonne avec un brigadier dans une représentation divinement musclée de Guignol, Chico au piano et ses doigts-revolvers, la partie d'échec ruinée par Harpo, la recherche des clandestins dans les cales et le cocasse jeu de cache-cache dans les tonneaux.

Inventant une forme d'humour chamarrée et métisse, résistant au temps et à l'indifférence des cinéphiles français qui les boudent, les Marx brothers, font ce qu'ils savent le mieux faire, faire rire et ils font ça très bien.

Fiche technique
MONKEY BUSINESS
réalisé par : Norman Mcleod
auteurs : S.J. Perleman, Will B. Johnson, Arthur Sheekman

CAST :
Groucho Marx (Groucho)
Chico Marx (Chico)
Harpo Marx (Harpo)
Zeppo Marx (Zeppo)
Thelma Todd (Lucille Briggs)
Harry Woods (Alky Briggs)
Rockliffe Fellows (Joe Helton)
Ruth Hall (Mary Helton)
Ben Taggart (Captain)
Tom Kennedy (First Officer)
Otto Fries (Officer)
participation de Samuel "Frenchy" Marx (passager sur le paquebot)

vendredi 22 août 2008


L'avventura, de Michelangelo Antonioni



Mai 1960, palais des festivals à Cannes : la projection de L'Avventura est un véritable fiasco. Hué par le public et soutenu par la critique, le film d'Antonioni, touche autant qu'il exaspère. Sublimé par l'interprétation évanescente de Monica Vitti, ce film-manifeste renverse brutalement les codes de la dramaturgie classique pour ouvrir la brèche à un nouveau cinéma de la modernité. La bataille d'Hernani peut (re)commencer...

Synopsis
Evoluant dans les sphères ethérées de la grande bourgeoisie romaine, Anna retrouve son fiancé Sandro et sa meilleure amie Claudia, pour une croisière vers les ïles éoliennes. Sur le bateau, ennui et oisiveté règnent en maîtres. Au cours d'une escale sur l'île volcanique de Lisca Bianca, les amoureux se disputent violemment et Anna, en proie à ses démons personnels s'enfuie en courant dans les dédales rocailleux. Au coucher du soleil, elle n'est toujours pas réapparue et ses amis sont forcés de constater sa disparition. Les recherches commencent alors, d'abord sur l'île puis sur le continent. Mais Anna reste introuvable et très rapidement une force obscure précipite sa meilleure amie Claudia dans les bras de son ancien fiancé Sandro...

Analyse
L'avventura est le plus beau guettapens de l'histoire du cinéma : un titre chargée de promesses qui débouche sur une impasse, une disparition sans résolution, des personnages sans intention. A propos de l'avventura, Antonioni aimait à parler de « film policier à l'envers » : plus on avance dans le film, plus le mystère lié à la disparition d'Anna se délite. L'intérêt de l'enquête est quasi nul et le sujet du film se recentre artificiellement sur le désir coupable des deux amants sans jamais chercher la justification. Le cinéaste bouscule sévèrement les règles du cinéma classique : il broie la structure traditionnelle du récit, invente des personnages ambigus et interchangeables et tire tant qu'il veut sur les ressorts temporels. Son regard aiguisé se pose sur les interstices, les attitudes et les non-dits. Les décors sont hostiles ou insolites : de l'île rocailleuse de Lisca Bianca, au grand hall d'un palace déserté à l'aube.

Les valeurs ainsi portées par le cinéaste répondent à celles du Nouveau Roman, courant littéraire apparu en 1957 (seulement 3 ans avant la sortie du film) et dont les chefs de fil furent Alain Robbe-Grillet ou Nathalie Sarraute. Ce lien ténu entre le Nouveau Roman et le Nouveau Cinéma trouvera sa résolution dans la collaboration artistique de Robbe-Grillet et de Resnais sur 'l'année dernière à Marienbad » autre fleuron de la modernité. Mais c'est définitivement Antonioni qui ouvre la voie avec ce premier volet d'une trilogie fulgurante : il tournera l'Eclipse en 1961 et La Notte dans la foulée en 1962. Cette connivence prend toute son ampleur sous la plume de Nathalie Sarraute dans « l'ère du soupçon ». Ses mots pourraient être ceux d'Antonioni : "II a vu le temps cesser d'être ce courant rapide qui poussait en avant l'intrigue pour devenir une eau dormante au fond de laquelle s'élaborent de lentes et subtiles décompositions; il a vu nos actes perdre leurs mobiles courants et leurs significations admises, des sentiments inconnus apparaître et les mieux connus changer d'aspect et de nom."

Dans ce contexte l'Avventura fait figure de film révolutionnaire. Mais au delà du cas d'Ecole, l'Avventura est une ode à la beauté énigmatique de Monica Vitti. Ennuyée, désabusée et amoureuse, cette poupée sublimée par le noir et blanc se fait ballader entre Rome et Otto sans jamais avoir son mot à dire. Elle porte les robes de la disparue et enfile des perruques noires qui rappellent la chevelure sombre de Léa Massari. Les contours flous et apathiques de sa personnalité finiraient presque par lasser. Mais sa dimension psychologique proche du néant nous laisse le loisir d'épouser chacun de ses gestes et d'adorer sa moue silencieuse autant que ses regards ourlés. On s'ennuie délicieusement. C'est à n'y rien comprendre, mais le cinéaste du tropisme dans un bel élan de mansuétude finit par nous livrer gracieusement la clé du film : "La conclusion à laquelle mes personnages parviennent n’est pas l’anarchie morale. Ils parviennent, tout au plus, à une sorte de pitié réciproque. Cela aussi, c’est vieux, me direz-vous. Mais que nous reste-t-il sans cela ?"


Fiche Film
Un film franco-italien de Michelangelo Antonioni (1960, noir et blanc).

Scénario : Michelangelo Antonioni, Elio Bartoloni et Tonino Guerra
Photographie : Aldo Scavarda
Montage : Giovanni Fusco
Décors : Piero Poletto
Musique : Giovanni Fusco
Production : Cino Del Duca, Europée, Société cinématographique Lyre
Durée : 2 h 20 min
Avec : Monica Vitti (Claudia), Gabriele Ferzetti (Sandro), Léa Massari (Anna).

lundi 4 août 2008

Mariage à l'italienne



Sophia Loren et Marcello Mastroianni sur fond de guerre des sexes. Une bombe italienne et un macho repenti dans une fable drôle et glamour servie à la sauce napolitaine.

Synopsis
Domenico, riche commerçant de la région de Naples entretient une histoire d'amour avec Filumena une jeune prostituée des faubourgs. Crédule et amoureuse, la jolie courtisane se laisse mener par le bout de nez par ce dandy misogyne . Mais lorsque celui-ci décide finalement d'en épouser une autre, la belle sort l'artillerie lourde et fait vivre un véritable enfer à son ancien amant. L'histoire d'une vendetta féminine avec à la clé un beau macho apprivoisé. Nous, on boit du p'tit lait.

Analyse
Bien sûr, 'Mariage à l'italienne' n'est pas un grand film, non mais il fait partie de ces films qu'on aime à regarder en plein mois d'août alors que le chaland déserte les salles obscures. Léger comme une bulle, frais comme un sorbet et indolent comme les sixties. La recette est imparable : un duo d'acteurs plus-mythiques-tu-meurs, une narration à rebondissements et un humour de situation élégant et posé. Vittorio de Sica renoue ici avec un genre très en vogue dans le cinéma transalpin de ces années-là, la Commedia all'italiana. Ce courant marque un retour à l'insouciance en rupture réel avec le néoréalisme italien dont De Sica s'était fait le chantre avec des films tels que 'Umberto D' ou 'Le voleur de bicyclette'. En effet, les préoccupations de la libération semblent déjà bien loin est un souffle de légèreté glisse sur les nouvelles productions.

Sophia Loren versus Marcello Mastroianni. La prostituée catholique en quête de respectabilité face au notable friqué-ganté qui roule en cabriolet. Un match au sommet avec en point d'orgue, des scènes d'amour volées dans les ruines d'une ville bombardée. Un vrai couple sacrée du cinéma avec deux monstres. De quoi renvoyer Liz Taylor et Richard Burton au rayon liste de mariage de la Redoute. Mais l'envoûtement naît précisément de la mythologie immense qui lient ces deux acteurs.
D'abord Sophia Loren. Une icône sexuelle ayant inspirée cette jolie réplique d'Audiard : « Un gentleman c'est quelqu'un qui peut décrire Sophia Loren sans faire de gestes... ». Dans le film elle alterne scènes comiques et dramatiques comme elle change de robes. Simplement, sans paravent. Et puis y a Marcello, dans un beau rôle de salaud. Toujours au coeur de l'intention comique avec sa muflerie assumée qui donne naissance à des séquences d'anthologie. Comme cette scène où il propose (enfin!) à Filumena de lui présenter sa mère et que celle-ci se retrouve sans trop comprendre comment, à lui passer le bassin ! L'ambiance est gueularde et chaleureuse et les seconds rôles semblent plus vrais que nature : des servants trop curieux, des curés pas futés et des mammas un peu duègnes sur les bords.

Avec cette comédie d'un genre nouveau, De Sica fait une chronique ordinaire des rapports homme-femme en Italie. C'est drôle, c'est gai, c'est bien roulé. Un film mineur en mode majeur sublimé par l'éclat redoutable de la beauté pulpeuse de Sophia Loren. On en redemande!